Prologue

L’avenir est une ambition rare. Démesurément exigeante pour beaucoup, tant ils sont occupés à survivre. Bien sûr il faut ajouter de la perspective, du contexte comme on aime à dire lors des débats aseptisés où les aspérités blessantes du quotidien sont élégamment enveloppées dans les bandelettes de la sémantique sociale. Il y a survie et survie. Se maintenir à flots entre les pressions immédiates du cadre professionnel—pour ceux qui ont la chance d’en avoir un—, les attentes impatientes et recomposées des familles du même nom, les impératifs relationnels démultipliés par la virtualité envahissante, tout en gardant l’équilibre entre les tentations consuméristes et les réalités budgétaires, en est une forme. Mais une forme somme toute déjà élaborée, affranchie le plus souvent du souci des besoins élémentaires. Assez oppressante assurément pour obscurcir l’horizon de l’aboutissement personnel, mais sans trop de menaces instantanées pour demain matin. C’est en quelque sorte la condition de beaucoup dans les pays dits riches, ceux qu’on nomme développés dans le lexique économique dominant. Il y a des survies plus littérales.

Des millions d’habitants des pays pauvres ne savent pas en s’éveillant s’ils pourront trouver de quoi manger d’ici le soir. Nul besoin de diagnostic psychosocial pour analyser leur mal-être. Et pourtant l’avenir de la planète, et sans doute l’avenir de l’humanité toute entière dépend largement de ce qu’ils deviendront. Des survivants, ou des statistiques ?

Par commodité de langage, ces pays pauvres sont fréquemment définis comme les pays du Sud, même si cette facilité fait bon marché de la géographie. Un bon ami l’apprit ainsi à ses dépens, qui fut recalé à l’écrit de l’Ecole Nationale d’Administration pour avoir bravement placé l’Inde dans l’hémisphère Sud…

Ayant eu le privilège de travailler depuis maintenant plus de trente-cinq ans sur le terrain du développement de ces pays où la créativité des nomenclatures descriptives ne s’est jamais démentie, passant au gré des scrupules linguistiques et des modes administratives du classique pays en développement au sophistiqué pays à vocation d’émergence, puis au factuel pays en transition—dénotant déjà un grade supérieur—et à l’euphémisme suggestif des pays les moins avancés pour parler des plus pauvres d’entre eux, je me propose de vous emmener cheminer sur un itinéraire improbable. Une promenade insolite entre les véritables enjeux et les habillages géopolitiques, la lumière crue de la misère du monde et les prismes colorés des perspectives idéologiques, les indignations sincères et les tartuferies de circonstance.

Tournez la page, le Sud nous attend.

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